Culticime : 
la réinsertion sociale par l’alimentation durable.

Nous avons rencontré Romain Rosati sur le toit du « Fashion Center », un centre commercial d'Aubervilliers, non loin du Canal Saint-Denis. Romain travaille comme encadrant sur le projet CultiCime, une initiative portée par l’association Espace qui a permis de transformer cette toiture en un lieu consacré à l’agriculture urbaine et à la réinsertion sociale. 

 

A: Romain, CultiCime est à la fois une micro ferme urbaine et un “ accélérateur d’insertion ”, un projet qui concerne l’alimentation durable et l’accompagnement socioprofessionnel. Quels ont été les constats à l'origine de votre initiative ? 

R : CultiCime est un projet initié en 2016 grâce à la collaboration entre Espace, association d’insertion par l’écologie urbaine et Topager, une entreprise spécialisée dans la conception et développement de paysages comestibles. Ce partenariat est né du constat que l’agriculture urbaine représente à la fois un secteur en forte croissance et une réalité professionnelle optimale pour pouvoir réinsérer des personnes loin de l'emploi. 

 

En effet, il s’agit d’un type d’activité qui répond aux questions contemporaines liées à l’autonomie alimentaire, à la transition écologique, à l'économie circulaire et au fonctionnement des nos villes. Son développement crée un besoin, toujours plus important, de personnes dotées de compétences spécifiques, que nous accompagnons dans leur parcours de formation.

A : Peux-tu nous en dire plus sur vos constats initiaux ?

R : L’alimentation durable permet de toucher à des questions qui concernent des milieux très différents. C’est pourquoi, nous avons décidé de diversifier notre expertise et de se donner un triple objectif : faire de l’agriculture urbaine un levier de l’insertion professionnelle ; développer un modèle de production écologique ; participer à la vie locale par un circuit court de commercialisation. Aujourd’hui, nous avons transformé la toiture de ce centre commercial en une surface agricole de 2000 m², que nous utilisons pour cultiver des produits frais et pour former des personnes qui étaient éloignées de l'emploi. Tous les produits sont ensuite livrés à différents partenaires actifs dans notre territoire (entreprises, épiceries, restaurants)

A : Au cœur de votre projet il y a un fort propos solidaire : la volonté de redonner confiance à des personnes en difficulté, l’accompagnement vers un projet professionnel stable, la lutte contre l’exclusion sociale. Pourrais-tu nous en dire plus  ? 

R : Notre mission principale est d’utiliser l’activité de maraîchage pour organiser le suivi, l’encadrement et la formation de nos salariés, afin d’en faciliter le retour à l’emploi. Plus précisément, nous proposons des contrats à durée déterminée d'insertion, qui peuvent durer jusqu’à deux ans. Les CDI prévoient seulement 26 heures de travail par semaine, ce qui permet de se former, mais aussi d’avoir le temps de continuer à chercher un emploi. En effet, notre objectif n’est pas de garder les salariés dans notre structure, mais plutôt de leur offrir des expertises professionnelles qu'ils peuvent être facilement valorisées dans d'autres réalités. Nous sommes seulement des facilitateurs, un tremplin vers l’emploi.

“ Aux racines de notre projet, il y a la volonté d’offrir aux personnes en réinsertion non seulement un savoir-faire, mais surtout un savoir-être professionnel qu'elles peuvent utiliser dans les secteurs qui les intéressent le plus. ”

Par ailleurs, nous offrons des connaissances qui ne concernent pas exclusivement l’agriculture urbaine. Nous sommes bien conscients que nous travaillons surtout avec des populations urbaines et que pour nos salariés il serait compliqué de partir travailler à la campagne après leur période de formation. C’est pourquoi nous les suivons dans le développement d’un vaste éventail de compétences, qui vont du maraîchage à l’animation. Aux racines de notre projet, il y a la volonté d’offrir aux personnes en réinsertion non seulement un savoir-faire, mais surtout un savoir-être professionnel qu'elles peuvent utiliser dans les secteurs qui les intéressent le plus.

A : Tu travailles sur ce projet depuis 5 ans, pourrais-tu nous raconter ton parcours : comment en es-tu venu à t’intéresser et à t'engager dans l’agriculture urbaine solidaire ? 

R : Avant de travailler pour l’association Espace, j’ai suivi un master géographie à la Sorbonne, et ensuite j’ai immédiatement commencé à travailler dans le milieu agricole, dans une ferme dans Le Maine. J’ai toujours été intéressé par la vie des plantes et la question de l’alimentation durable. J’ai du coup collaboré avec Veni Verdi, une association qui s'occupe de jardins et d’agriculture en milieu urbain, tout en suivant une démarche participative, sociale, et solidaire. Depuis 2016 je travaille comme encadrant technique pour l’association Espace, ma mission principale est de suivre la formation de nos salariés. En parallèle, je m’occupe également de la commercialisation de nos produits, de la communication et des activités d’animation : CultiCime organise notamment des ateliers de sensibilisation et d’animation sur les questions de l’alimentation durable et sur l’agriculture urbaine.

A : Comment êtes-vous arrivé sur le toit du “Fashion center” d’Aubervilliers ? Pourrais-tu nous expliquer plus précisément le lancement et le fonctionnement du projet ?

R : Nous avons eu la chance d'arriver sur une toiture déjà végétalisée, qui avait été prévue dans la conception du bâtiment. C’est l’entreprise Topager qui a repéré ce site, réalisé l’étude paysagère et formé la première équipe de maraîchers.

 

Aujourd’hui nous avons à disposition 2000 m2, en toiture, ce qui crée de grands avantages : nous profitons tout d’abord de l'ensoleillement, mais aussi de la chaleur urbaine qui nous permet d’avoir des températures beaucoup plus tempérées qu’en milieu rural. Toutes nos cultures reposent sur un sol très fertile d’un mètre d'épaisseur, composé par du composte et de la pouzzolane. Pour exploiter au maximum l’espace -qui reste quand même très réduit- nous avons mis en place un système de  rotation, c'est-à-dire l’enchaînement de différentes familles botaniques dans le temps sur une même parcelle. Pour nous retrouver d’un point de vue économique nous privilégions des produits hyper frais, qui sont très recherchés par les consommateurs et permettent une haute valeur ajoutée : notre concept est de pouvoir garantir à nos clients des produits qui viennent d'être récoltés, à quelques kilomètres de chez eux.

 

Nous avons également décidé d’investir dans la diversification : nous cultivons une vingtaine d'espèces, ce qui permet à nos salariés de se former sur des types de cultures très variées. De plus, nous suivons un cycle de production manuelle, sans utilisation de pesticides, dans le respect du cahier des charges de l’agriculture biologique. Malgré cela, nos légumes n’ont pas le droit d’être étiquetés bio, parce qu'elles ne sont pas ancrées au sol naturel.

A : Quel est votre réseau de partenaires? Collaborez-vous avec d’autres acteurs de l’alimentation solidaire et durable déjà installés à proximité des canaux? 

R : En effet, parmi les objectifs de notre projet il y a la création de synergies entre notre micro ferme et son environnement urbain, afin de renforcer le lien social entre différents acteurs implantés sur notre territoire. Nous travaillons en partenariat avec Veolia et la DIRECCTE, en proposant à leurs salariés des produits récoltés en journée. Une partie de notre production est destinée à des épiceries et à des restaurants, comme AuberKitchen, qui travaille avec des producteurs locaux en suivant une vraie démarche liée à l’alimentation durable. Pour effectuer certaines livraisons nous collaborons avec Riders Social Club, une coopérative de cyclo-logistique qui développe la livraison à vélo cargo tout en luttant contre la précarisation des livreurs.

REPORTAGE PHOTO PAR STÉPHANE RUCHAUD

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