Kelbongoo : 
démocratiser l’alimentation durable.

En 2013, Léa Barbier et Richard Fielding ont commencé l’aventure Kelbongoo en vendant des produits fermiers locaux à des prix accessibles dans leur appartement parisien. Aujourd’hui Kelbongoo est devenu un acteur majeur de l'économie sociale et solidaire qui compte plus 12 000 clients et 30 000 abonnés.

 

Nous avons rencontré Léa dans l’un de leurs lieux de vente au 6 rue Bichat, une halle alimentaire à quelques pas du canal Saint-Martin dans le 10e arrondissement de Paris. Elle nous présente le modèle de cette entreprise qui vise à offrir des produits de qualité à tou.te.s et à soutenir les producteurs locaux.

A: Léa, tu as fondé Kelbongoo en 2013 avec Richard Fielding, pourquoi avez-vous décidé de vous engager pour l’alimentation durable ?

L : J’ai cofondé Kelbongoo avec Richard quand j’avais 27 ans. À ce moment-là je travaillais pour un festival de sensibilisation au respect de l’environnement sur les bords de Marne. Richard, lui, développait une plateforme d’e-learning destinée aux élèves en difficulté.

 

Depuis toujours nous sommes des personnes engagées et militantes : nous étions décidés à changer le système d’alimentation actuel qui transforme des aliments frais en produits de luxe. Nous voulions trouver une solution pour élargir à tous - sans condition de revenus et de classes sociales - le droit à une alimentation saine et durable, tout en recréant une reconnexion entre milieu rural et milieu urbain, entre producteurs et habitants.  

A : Peux-tu nous en dire plus sur vos constats initiaux ?

L : Nous avons observé une dérive dans le fonctionnement du secteur agro-alimentaire depuis l’après-guerre. La globalisation de la filière d’approvisionnement a imposé un système qui se base, d’une part, sur un mode de production industriel et, d’autre part, sur la grande distribution. Ces deux modèles sont interdépendants : la grande distribution encourage fortement la production industrielle intensive, qui, à son tour, permet d’offrir de grandes quantités d'aliments, pas chers, mais de très mauvaise qualité.

 

Il s’agit d'un cercle vicieux qui engendre de graves déséquilibres d’un point de vue social, économique et environnemental. Aujourd’hui, nous assistons graduellement à la disparition des petits producteurs, au développement des monocultures, à la détérioration du paysage rural et à l'utilisation croissante de pesticides qui ont des effets dévastateurs sur notre santé et sur notre environnement.

A : Quels sont les objectifs et les solutions que vous proposez ?

L : On s’est fixé un double objectif social. D’une part la démocratisation de l'accès à des produits fermiers de qualité en les proposant à des prix accessibles. L’idée est d'offrir au plus grand nombre, surtout dans les quartiers mixtes et populaires, des produits issus d’une agriculture paysanne ou biologique, qui d’habitude sont réservés aux populations plus aisées.

 

D’autre part, le soutien aux petits producteurs locaux - situés à moins de 200 km de Paris - , très attachés à la qualité de leurs produits et qui travaillent dans le respect total de l’environnement.

 

Pour atteindre ces objectifs il était crucial de trouver de nouvelles solutions pour améliorer le système des circuits courts, les seuls à être réellement avantageux et équitables pour les agriculteurs. En effet, en circuit long les petits producteurs touchent en moyenne seulement 6% du prix de vente final, en circuit court 80%. En contrepartie, la vente en circuit court devient souvent très compliquée car elle engendre une surcharge de travail beaucoup trop importante due à la commercialisation des produits.

 

Nous avons travaillé ainsi sur une solution pour professionnaliser et massifier les circuits courts, en proposant un service de logistique et de commercialisation, tout en étant le seul intermédiaire entre producteurs et consommateurs. De cette manière, nous pouvons garantir des marges de 71% aux producteurs, tout en gardant des prix de vente accessibles.

“ Depuis toujours nous sommes des personnes engagées et militantes : nous étions décidés à changer le système d’alimentation actuel qui transforme des aliments frais en produits de luxe. Nous voulions trouver une solution pour élargir à tous - sans condition de revenus et de classes sociales - le droit à une alimentation saine et durable, tout en recréant une reconnexion entre milieu rural et milieu urbain, entre producteurs et habitants. ”

A : Comment vous êtes-vous lancés ? 

L : Nous avons quitté nos travails respectifs, nous avons précisé nos objectifs et ensuite Richard a commencé à faire la tournée des fermes en voiture à la rencontre des producteurs. Certains ont décidé de nous faire confiance ; nous avons commencé à collecter les produits et, pendant un mois, les distributions se sont faites dans notre appartement ! Pour se faire connaître, nous avons décidé d’organiser des dégustations de fraises à côté du parc des Buttes Chaumont. Les personnes aiment les produits, les commandes augmentent et nous avons besoin de plus d’espace. D’abord nous avons utilisé la cave de ma sœur et ensuite nous avons ouvert notre première boutique dans le 20e arrondissement.

A : Depuis son lancement, Kelbongoo est devenu un acteur majeur de l'économie sociale et solidaire qui compte aujourd’hui environ 30 000 clients et 4 boutiques. Pourrais-tu nous expliquer plus précisément son fonctionnement ?

L : Kelbongoo fonctionne comme un drive piéton de produits fermiers : nous avons développé en interne un outil numérique qui permet au consommateur de précommander en ligne parmi plus de 2 500 produits locaux issus de plus de 100 fermes. Le client récupère sa commande quelques jours plus tard, laissant ainsi aux producteurs le temps de préparer les produits et à notre équipe de les transporter jusqu’à Paris.

 

Nous travaillons sur l'entièreté de la logistique d'acheminement : nous récupérons les produits dans le point de collecte, nous les transportons jusqu'à notre entrepôt à Montreuil, où nous trions les commandes pour ensuite les distribuer dans nos propres points de vente.

A : Comment êtes-vous arrivés rue Bichat ?

L : Nous occupons un local au rez-de-chaussée d’un complexe de logements sociaux développé par Paris Habitat. Initialement, tout le socle de l’immeuble devait être occupé par un Monoprix. Le projet semblait bouclé, quand le collectif StopMonop, composé par des habitants du quartier, s'est mobilisé contre l’installation d’un énième supermarché. Cette initiative finit par convaincre la mairie de lancer un appel à projet pour définir l'occupation de nouveaux espaces. Parmi les indications exprimées par le jury, il y avait la volonté de créer une halle alimentaire, un lieu pour tester un système d’alimentation plus durable et social. Nous avons été sélectionnés et, parallèlement, le projet de la halle a été déposé au budget participatif, ce qui nous a permis de financer les travaux d'aménagement.

 

Le projet est donc né grâce à une véritable synergie entre engagement citoyen et volonté politique de la ville, qui souhaitaient créer une alternative à la grande distribution pour changer le système d’alimentation en milieu urbain.

A : Comment est organisé votre espace ? 

L : Notre local rue Bichat est très simple, distribué en trois parties: il y a un espace de stockage et une chambre froide pour stocker et ordonner les produits précommandés ; un espace dédié à la distribution et à la vente en direct et un back office où nous nous occupons des tâches administratives. 

A : Collaborez-vous avec d’autres acteurs de l’alimentation solidaire et durable déjà installés à proximité des canaux? 

L : Nous avons développé un service de livraison à domicile en partenariat avec Olvo, une coopérative de cyclo-logistique. Nous avons aussi l’habitude de créer des liens avec les centres sociaux de nos quartiers. Nous collaborons notamment avec les centres Emmaüs, où nous proposons des paniers solidaires aux personnes en difficulté qui peuvent également participer à des ateliers de cuisine.

REPORTAGE PHOTO PAR STÉPHANE RUCHAUD

Food for thoughts

Notre sélection mensuelle sur l’alimentation saine et durable en milieu urbain.

  • Ghost Kitchens :
    Un article très intéressant de Slate concernant les transformations engendrées par les commandes en ligne dans l'univers de la restauration post-Covid.
     
  • Démocratisation de l'accès à une alimentation saine et durable :
    Ce mois-ci, sur notre compte Instagram, nous avons discuté de la Sécurité Sociale de l'Alimentation (SSA), un système qui permettrait de garantir à chacun.e un budget dédié à une alimentation saine et soutenable. Voici trois liens pour aller plus loin dans cette question :
    - Le site de la SSA
    - L'article publié par Usbek & Rica, « Et si on créait une sécurité sociale de l’alimentation ? »
    - La tribune des Ingénieurs Sans Frontières pour le média Basta ! , « Comme la santé, l’alimentation doit sortir d’une logique de marché »
     
  • Entreprises engagées  :
    L’émission « Le Monde Campus le mag’ » présente Louise Cerezo-Lahiani pour Ethic Table – une entreprise qui favorise l’insertion de personnes exclues du milieu du travail – et Denis Olivier de Meal Cantine, une application qui lutte contre le gaspillage alimentaire dans la restauration collective.

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